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Illustration de Simon Stålenhag.

Rifts est un jeu de rôle multi-genres. "Multi-genres" dans le sens où le background et les règles mêlent des genres fictionnels différents, notamment du Fantastique (Horreur, Fantasy, Merveilleux, Mythologique...) et de l'Anticipation (Post-apo, Cyberpunk, Space Opera, Hard Science...). Vous allez y trouver, par exemple, des dragons ET des mechas, des éléments qui, dans la plupart des autres jeux, ne se retrouvent pas dans le même univers.

Rifts est un jeu de rôle multi-genres mais les différents genres qu'on y trouve ne sont pas présents partout, sur l'ensemble de la Terre des Rifts. Pas de manière uniforme. Chaque coin de la Terre des Rifts a ses propres références imaginaires et il suffit parfois de faire quelques dizaines de kilomètres pour changer totalement de setting. Dans Rifts (comme dans Torg ou Mimétis), les différents genres ont une répartition spatiale, géographique. Contrairement à un jeu comme Shadowrun où les différents genres seront présents partout, et de manière assez uniforme, dans l'univers du jeu.

Ce qui m’intéresse présentement ce sont les liens entre les concepts imaginaires de Rifts et les lieux où ils sont placés. Est-ce qu'il s'agit d'un imaginaire global ou local? Hum... Je ne suis pas très clair aussi je vais vous donner un exemple. Par "concepts imaginaires", j'entends des sujets dont on puisse faire des (bonnes) histoires dans les univers fictionnels des jeux de rôle. Pour mon exemple, je vous donne deux concepts imaginaires différents: "Jack l'Éventreur" et "les dinosaures". D'un côté un tueur en série ayant sévi à Londres en 1888, de l'autre une famille d'animaux ayant dominé la planète de -240 à -66 millions d'années. Des êtres tout à fait réels en l’occurrence mais je parle de "concepts imaginaires" car ces êtres réels vont servir à raconter des histoires imaginées, dont des parties de JdR.

Illustration de Benjamin Goutte.

Commençons par Jack. Pour moi ce personnage est lié à la ville de Londres. Il fait partie de l'imaginaire "local" londonien, et britannique en général. Imaginons que je fasse jouer un scénario de Rifts se déroulant à London-Splynn et que j'introduise le personnage de Jack (un spectre, un psychopathe se prenant pour Jack, une entité, un possédé par l'âme noire de Jack... tout est possible) dans mon scénario. Alors j'utilise un concept imaginaire local.

Mais si j'utilise ce personnage de Jack l'Éventreur dans un autre endroit de la Terre des Rifts? Genre Chi-Town ou Berlin? Alors, de local, Jack devient un concept imaginaire global: il n'y a plus de lien entre le personnage et le lieu où l'histoire se déroule.

Continuons avec les dinosaures. Contrairement à Jack l'Éventreur, circoncis à Londres, les dinosaures étaient présents sur l'ensemble de la planète, partout, y compris en Antarctique. Difficile d'en faire un concept local? Pas si on s'attache à des espèces spécifiques. Les tyrannosaures, les tricératops et les deinonychus ont vécu en Amérique du nord au crétacé. Si je les cale dans un scénario de Rifts se déroulant sur le continent nord-américain, j'utilise alors un concept imaginaire local. Si je les introduis dans un scénario ayant lieu ailleurs, en Chine ou en France, on parlera alors d'imaginaire global. Vous me suivez?

Ce que je voudrais faire présentement c'est passer en revue les différents Rifts World Books pour voir si, pour chacun de ces settings, Kevin Siembieda et ses comparses ont utilisé des concepts imaginaires locaux ou globaux. Dit autrement: lorsqu'ils ont rédigé un supplément sur un lieu précis, ont-ils mis à profit les ressources imaginaires de ce lieu?

Et on va débuter avec Rifts World Book One: Vampire Kingdoms, le premier supplément Rifts consacré à une région précise de la Terre des Rifts. Cette région c'est le Mexique. Ça n’apparaît pas dans le titre de l'ouvrage mais il y a comme un indice sur la couverture: une grosse pyramide mésoaméricaine pré-colombienne.

Les concepts imaginaires de Rifts World Book One: Vampire Kingdoms sont-ils locaux ou globaux?

Commençons par le thème central du supplément: les vampires. Le Mexique de Rifts est envahi par les créatures de la nuit. Ceux-ci contrôlent une grosse partie du Mexique central et sont très présents dans le reste du pays. Y a-t-il un lien entre les vampires et l'imaginaire du Mexique? Non. Les vampires sont issus des légendes d'Europe centrale et orientale et ont connu divers polissages, au XIXème et au XXème siècle, sous la plume de plusieurs auteur·es anglo-saxon·nes. Je pense notamment à Bram Stoker, forcément, mais aussi à Anne Rice. En Europe centrale et orientale, à Londres, à Chicago ou en Louisiane, le vampire ferait figure de concept imaginaire local. Mais pas au Mexique: entre le Rio Grande et le Guatemala, le vampire est un concept imaginaire global, importé.

Un fan de Rifts avait suggéré de remplacer les vampires mexicains par des chupacabras. Ce faisant, on restait dans l'idée du suceur de sang maléfique surnaturel mais on se revenait aux mythes et légendes du crû. L'idée est plutôt bonne si on veut faire couleur locale. Et je ne m'interdis pas de mettre des chupacabras dans mon Rifts à moi un de ces quatre... En plus des vampires "standards"! Car, quand on aime, on ne compte pas.

Si les vampires ont peu à voir avec l'imaginaire mexicain, il y a d'autres éléments dans Rifts World Book One: Vampire Kingdoms qui sont plus en rapport avec le terroir. Je pense à Ciudad Juárez, une ville gangrenée par le crime et la violence de nos jours. Kevin Siembieda consacre beaucoup de pages à cette cité en 2386 après J.-C.. Et il la présente comme une ville... gangrenée par le crime et la violence. Je pense aussi au Yucatán: Kevin Siembieda y met plein de divinités mayas, d'hommes-jaguars, de pyramides mal fréquentées... En parlant de pyramides, je dois mentionner aussi celles du Mexique central: dans Rifts, ce sont autant de Nexus magiques et/ou de repaires de Grands Anciens vampires. Bref, il y a du "local" dans Rifts World Book One: Vampire Kingdoms. Kevin Siembieda s'est quand-même servi, en partie, des ressources locales pour brosser un portrait imaginaire de la contrée.  

Les autres éléments du bouqin n'ont pas grand chose à voir avec les mythes mexicains: les rangers de Doc Reid, les Travelling Shows, des OCC de chasseurs de vampires, des objets magiques, des monstres chelous... On retombe dans de l'imaginaire global, sans lien avec le lieu où se situe l'action.

Verdict pour Rifts World Book One: Vampire Kingdoms: l'imaginaire global l'emporte sur l'imaginaire local, ne serait-ce que par ce thème central du vampire qui m'évoque plus les violons tziganes que les guitares et les trompettes des mariachis.

Personnellement, je suis plutôt partisan du "local". J'aime quand les mythes et légendes d'une région sont mises à contribution pour créer de la matière à utiliser dans une partie de jeu de rôle. Surtout avec un jeu comme Rifts. Et pourtant... N'étant pas à une contradiction près, j'aime bien le mélange de Rifts World Book One: Vampire Kingdoms: le Mexique + les vampires. Je trouve ça original, sympathique, attrayant... Ça donne envie de jouer. Ça ME donne envie de jouer!

Par la suite, les autres Rifts World Books vont continuer à mêler imaginaire local et imaginaire global, avec plus ou moins de succès et d'inspiration. Mais on va voir ça ensemble. Cet article n'est qu'une introduction et je vais essayer d'aller regarder de plus près à quelles sources imaginaires KS et ses sbires se sont abreuvés pour écrire les autres ouvrages "de background" de la gamme. Car voilà un sujet qui m'intéresse au plus haut point!

Chupacabra. Illustration de 000Fesbra000.

 

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